MOTIVATION
L'ado et la motivation
Quʼest-il arrivé à lʼenfant hier curieux, appliqué, fier dʼapprendre, de découvrir et prêt à lʼeffort, mué en adolescent paresseux, soupçonneux de ceux qui souhaitent l’éduquer, renâclant à lʼeffort, refusant toute aide, familiale ou extérieure ? Quelque chose semble perdu : un enthousiasme, une motivation, un élan de vie ! A l’école ?
Il dit perdre son temps, ne rien apprendre : mais attention, risque de mauvaise foi ! Car cʼest bien plutôt lʼépreuve même de difficultés nouvelles et de craintes de lʼéchec qui le conduisent à fuir lʼeffort.
Néanmoins, la démotivation de lʼadolescent est une constante. Elle nʼest le plus souvent que passagère, mais non sans conséquence : retard pris sur lʼapprentissage, perte de lʼhabitude dʼun travail régulier, dʼune discipline à tenir, engrenage du “moins“ en un cercle vicieux, sans compter la menace que représente la désaffection pour les études. On peut cependant considérer ce mauvais passage comme un “droit“ à accorder, pour peu qu’il reste encadré par un dialogue ouvert évitant condamnation et manifestation dʼinquiétude excessives.
Lʼadolescent et la motivation : une lutte au quotidien
Il en va autrement quand lʼadolescent s’installe dans la démotivation. À l’âge de la perméabilité aux influences extérieures, du besoin d’autonomie, et de la réassurance par la seule fréquentation de ses pairs, lʼadolescent se met progressivement en danger de ruptures. Surveillez la durée de cet état et les signes dʼun réel mal-être : refus de tout dialogue, désinvolture provocatrice, état d’inhibition, pratique sportive, activités culturelles favorites abandonnées, envie de rien, droit à ne rien faire revendiquer comme un choix de vie, sensation de fatigue chronique, repli sur soi posé comme seule référence.
A l’école, face aux exigences accrues des apprentissages, il rompt avec la relation fondée sur la transmission, met en veille cette part de lui former à être sollicitée par autre chose que ce qu’il désire et est apte à y répondre. Difficile ensuite de réanimer la motivation de l'ado, son sens de lʼeffort, le consentement à contrarier ses désirs animés par le seul plaisir immédiat. Les professionnels de la santé des adolescents s’en émeuvent : ils sont très nombreux, les adolescents “malades de lʼeffort“
Or, on a beau savoir que « l’on ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif », qui se satisferait ici dʼun tel adage ? Comment donc aider à ado à retrouver la motivation ?
Des causes personnelles !
Parler de “crise d’adolescence“ ne suffit pas. Soyez attentive à ce qui appartient en propre à votre adolescent : climat ou événement familial particulier, conflit entre amis, émois amoureux, désillusions dramatisées à l’excès, série de mauvaises notes, paroles de responsables scolaires interprétées de travers... Un événement mineur parfois suffit, comme s’il n’attendait que ce prétexte.
Demandez-lui, en rappelant combien là encore le dialogue doit reposer sur la confiance, ce qu’il identifierait lui-même comme cause potentielle de son changement d’attitude, sans faire vous- même le pronostic : forte chance qu’il le juge arbitraire et faux. En revanche, affirmez votre souhait bienveillant de rester attentive, au nom des conséquences dʼune démotivation qui ne cède pas, dont il doit être averti sur un mode général.
Spécificité de la démotivation scolaire ?
Suffit-il à votre adolescent de le vouloir pour se mettre à travailler ? Certes, nous savons tous dans quelle concurrence déloyale se trouvent les attentes parentales d’efforts et d’intérêts avec les messages de distraction et de plaisirs immédiats dʼun monde marchand qui, misant précisément sur sa vulnérabilité, sont très convaincants, sans négliger l’éventualité de la présence de cannabis aux effets inhibiteurs de la volonté.
Mais dites-vous aussi que cette concurrence nʼest pas seule en cause : la démotivation scolaire renvoie aussi à des facteurs personnels. Comme toute autre activité requérant le dépassement de soi, la motivation dʼapprendre relève de sa nature propre, de son histoire personnelle, de son héritage familial, de sa façon de percevoir sa vie et son environnement. Ainsi, par exemple, les adolescents ne sont pas tous égaux devant la peur de lʼéchec : souvent, mieux vaut à leurs yeux dénigrer le travail et lʼeffort, plutôt que risquer le jugement de leurs pairs et parents disqualifiant leurs aptitudes. Laide productive et qui préserve la relation passe par le dialogue que vous proposerez sur ces aspects du problème, toujours accompagné de cette projection rassurante : il n’y a aucune fatalité à nos goûts et aptitudes. Ils sont “faits“ pour être modifiés.
Opter pour la patience…
Face au manque de motivation de lʼadolescent, il est très tentant d’user de lʼinjonction ! Plus que jamais, l’ado est renvoyé à son insuffisance, image dégradée pour laquelle il trouve vite la parade : le mépris et la compensation par d’autres plaisirs faciles qui apaiseront sa frustration. Restez donc ferme sur votre attente en la légitimant sur un mode non personnel : cʼest au nom de la confiance qu’il lui fait, et de sa tendresse pour lui que l’adulte lui demande de mobiliser son énergie et sa créativité. Je me souviens de ce jeune homme de 15 ans me confiant que sa mère avait parfaitement raison de le pousser et d’exiger de lui, mais qu’il n’allait quand même pas le lui dire ! Oui, de la patience, il en faut !
… et la prudence
Cependant, si vous le voyez s’enfoncer dangereusement dans le vide, sans trouver l’issue ou avoir ce sursaut tant attendu, par prudence, ne craignez pas de lui proposer une aide extérieure. Il y sera sans doute réfractaire. Évoquez alors cette aide comme une expérience à tenter, que nul ne peut le contraindre à poursuivre, et que seule la pratique sur un temps suffisant lui permettra de connaître la nature réelle dʼune chose, sans préjugés.
Il sera sans doute le premier surpris par l’intérêt, et le plaisir, qu’il éprouvera.
Par Christine Henniqueau-Mary de WISMI, vers une Scolarité Epanouie